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Madeleine Roger Lacan est une peintre basée à Paris. Diplômée des Beaux-Arts de Paris, elle prépare une exposition collective pour le Centre Pompidou Metz cet été et une exposition personnelle à Paris pour octobre. Jeanne Damas l'a rencontrée dans son atelier dans le collectif Poush.

INTERVIEW

JD: La première question que je pose souvent, c’est juste de parler de tes débuts. Comment tu as commencé ? Est-ce que tu viens d’une famille d’artistes ou est-ce que c’est quelque chose que tu as développé seule ?

MRL: Mon père est dans le théâtre et le cinéma, donc j’ai grandi dans cet environnement.

JD: Et ta mère, elle travaillait dans son atelier ?

MRL: Oui, elle est artiste. Elle fait de la sculpture et de la peinture.

JD: D’accord. Elle a commencé par le dessin textile, c’est ça ?

MRL: Oui et lorsqu’ elle est tombée enceinte de moi, elle a décidé d’aller aux Beaux-Arts de la ville de Paris. Elle développe depuis son œuvre artistique. On parle beaucoup, elle est très inspirante.

JD: Elle a fait les Beaux-Arts aussi ?

MRL: Pas exactement, elle a suivi les Ateliers de la Ville de Paris. À l’époque, il y avait une limite d’âge pour intégrer les Beaux-Arts, donc elle était trop âgée pour y entrer.

JD: D’accord, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui.

MRL: Non, en effet.

"J'avais une grande angoisse du choix de vie, du temps qui passe, de savoir où investir mon énergie. Et avec la peinture, tout d'un coup, tout cela avait un sens. Toutes mes passions - La recherche, la science, la littérature, l'histoire, l'ésthétique - Se retrouvaient dans la peinture."

Madeleine roger lacan

JD: Et tes premiers souvenirs de peinture, tu les as quand ?

MRL: Je crois que ma mère m’a initiée en me faisant fabriquer des peintures comme cadeaux de Noël, Sinon, je dessinais beaucoup avec des feutres, en rentrant de l’école.

JD: C’était ton moyen d’expression ?

MRL: Oui, un espace de liberté.

JD: Et au lycée, tu étais toujours dans cette voie ?

MRL: Pas du tout.

JD: Tu ne te voyais pas forcément en faire un métier ?

MRL: Non, je voyais aussi l’envers du décor. J’avais conscience de la solitude et de la frustration qui peuvent accompagner ce métier. Et puis, j’étais une bonne élève. J’ai étudié à Henri-IV, donc j’étais plutôt orientée vers des études plus classiques.

JD: Tu avais cette pression de réussir académiquement ?

MRL: Oui, c’était un peu vain.

JD: À quel moment as-tu changé d’orientation ?

MRL: À 16 ans, je suis partie faire une école d’art aux États-Unis pendant l’été. C’était une summer school et j’ai découvert la peinture à l’huile. Ce sont des souvenirs des forts. Mais à ce moment-là, je n’osais pas me projeter dans cette voie là : c’était comme si c’était trop de plaisir et pas l’idée que je faisais d’un travail « sérieux ».

JD: Finalement, tu as poursuivi des études académiques ?

MRL: Non, j’ai passé mon bac, mais je n’ai pas obtenu les prépas qui m’intéressaient. En parallèle je m’étais inscrite aux Ateliers de Sèvres.

JD: Tu as envoyé ton dossier sans trop y croire ?

MRL: Oui, un peu. Beaucoup de mes amis ne comprenaient pas pourquoi j’envisageais cela. Mais pendant l’été, je suis allée en Italie j’ai vu énormément de peintures, lu sur l’histoire de l’art et le chemin s’est imposé. Je me suis dit que je n’allais pas faire de prépa commerce, mais plutôt donner une chance à l’art.

JD: C’est à ce moment-là que tu as commencé à peindre tous les jours ?

MRL: Oui, aux Ateliers de Sèvres, pour préparer les concours des écoles d’art. J’avais une grande angoisse des choix dans la vie, du temps qui passe, de savoir où va l’énergie vitale. Et avec la peinture, tout d’un coup, tout cela avait un sens. Toutes mes passions — la recherche, la science, la littérature, l’histoire, l’esthétique — se retrouvaient dans la peinture.

JD: Donc tout s’est aligné à ce moment-là ?

MRL: Oui, mais avec son lot d’angoisses et de doutes. Ce n’était pas un chemin évident.

JD: Et après, tu as intégré les Beaux-Arts ?

MRL: Oui, j’y suis restée cinq ans.

JD: Ça s’est bien passé ?

MRL: Oui, le plus important, c’est que j’y ai rencontré Christine Safa, Nathanaëlle Herbelin, Elené Shatberashvili, Cecilia Granara toute une bande d’amis artistes, ce qui est précieux.

"Pour moi, peindre sans un message émotionelle, c'est risquer d'en faire une simple belle toile, dépourvue de substance."

Madeleine roger lacan

JD: Et après les Beaux-Arts, comment s’est passée la suite ?

MRL: J’ai fait un échange à Londres, qui a été très important pour moi. Aux Beaux-Arts, j’avais acquis des bases techniques, mais j’avais l’impression que je n’avais pas encore mis mes tripes dans la peinture. À Londres, j’ai pu exploser, dans un environnement qui avait moins d’attente sur le "beau" et le "bien fait".

JD: Londres, c’était aussi une école d’art ?

MRL: Oui, la Slade School of Fine Art.

JD: Il y a plus d’écoles d’art à Londres, non ?

MRL: Oui, c’est vrai, et c’est un environnement très stimulant. Mon travail a complètement changé là-bas.

JD: C’est là que tu as trouvé tes grandes lignes, notamment sur la sexualité, le surréalisme, l’imaginaire de ton travail ?

MRL: Oui, il y a une fantaisie anglaise, avec des couleurs et une exubérance qui m’ont inspirée.

JD: Ce sont des thèmes qui t’intéressaient déjà avant ou que tu as développés là-bas ?

MRL: Je pense que c’était en moi, mais Londres m’a aidée à l’explorer pleinement. Quitter Paris m’a aussi libérée. Ici, j’avais parfois un sentiment de claustrophobie.

JD: C’est clair. D’autres villes comme New York peuvent aussi être très inspirantes.

MRL: Oui, complètement. J’ai pu y trouver un rapport plus viscéral à la peinture.

"Mon travail est vraiment centré sur l'émotion. Je ne peux pas commencer une pièce sans que quelque chose de fort ne m'ait inspirée."

Madeleine roger lacan

JD: Et en ce qui concerne ton travail, il tourne beaucoup autour de la sexualité, et en particulier la sexualité féminine. C'est assez rare, surtout venant d'une femme dans le milieu de la peinture aujourd'hui. D'où te vient cette impulsion ?

MRL: Je pense que cela vient en grande partie de la rencontre avec des artistes visuels, comme Tracy Emin, par exemple. C'est une artiste anglaise incroyable que j'ai découverte à Londres justement. D’ailleurs, elle a une rétrospective à Florence en ce moment, intitulée "Sex and Solitude". Le titre fait écho à ce que je cherche en ce moment.

JD: C’est intéressant, effectivement. L'idée de ce lien entre le désir et la solitude, cela résonne. Et tu as mentionné que tu t'es nourrie d'autres artistes, et pas seulement contemporains. Est-ce que tu as des références plus anciennes qui t’ont marquée, comme Léonor Fini ?

MRL: Je pense aussi à des artistes comme Dorothea Tanning qui oscille entre peinture et sculpture, qui a construit un univers total. Il y a aussi Pierre Klossowski, le frère de Balthus, avec qui j’ai eu la chance de faire un duo show cette année. Son travail incarne des fantasmes, ce sont des grands dessins au crayons de couleurs, et il m’a donné le courage d’explorer ces thèmes moi-même.

JD: Donc tu envisages vraiment ton œuvre comme un journal intime ?

MRL: Mon travail est vraiment centré sur l'émotion. Je ne peux pas commencer une pièce *sans avoir eu l’expérience de ce dont je parle. Si ce n’est pas nécessaire, ça ne m’intéresse pas. Pour moi, peindre sans une question à résoudre, c'est risquer de faire une simple belle toile, dépourvue de substance.*

JD: C'est ce qui fait la force de ton approche. En parlant de singularité, ta façon de travailler les formats est très personnelle, loin des conventions. Comment choisis-tu tes découpages et perforations ?

MRL: Tout cela est très instinctif. Lorsque j'étais à l'école d’art, j'ai très vite utilisé le collage pour composer mes peintures. J’ai eu un déclic lors d'une discussion avec un artiste aux Beaux-Arts, Jean-Michel Alberola. À un moment où je me sentais bloquée artistiquement, il m'a encouragée à arrêter de vouloir "respecter la toile" et à embrasser une essence plus chaotique qui transpirait de l’état de mon espace de travail. Cela m'a permis de réaliser que la toile, au-delà de son cadre, est une matière vivante avec un potentiel immense.

JD: D'accord, donc tu prônes une approche plus brute et authentique, en rejetant l’illusion souvent associée à la peinture traditionnelle.

MRL: C’est plus complexe qu’un rejet. Je ressens ce besoin de déconstruire cette illusion tout en étant fascinée par ces questions réalistes. La peinture est un champ d’exploration.

JD: Parlant d'exploration, tu commences à te tourner vers la sculpture, non ?

MRL: Oui, cela a été un tournant pour moi, inspirée par Isa Gensken, une artiste allemande que j'ai découverte lors d'une rétrospective à Berlin. Son approche punk et ses assemblages de formes m’ont bouleversé. Elle s’est peu à peu éloignée des normes minimalistes pour créer quelque chose de plus organique et audacieux.

JD: Ça doit être une belle découverte ! Est-ce que tu as un projet d'exposition à venir ?

MRL: Oui, je prépare une exposition intitulée "Copiste" pour le Centre Pompidou Metz, qui se déroulera en juin, peu avant la foire de Bâle où je présenterai aussi certaines de mes nouvelles œuvres.

JD: Et tu as d'autres projets en vue ?

MRL: Il y a aussi un solo show prévu avec Philippe Jousse pour octobre. Je suis encore en train de travailler dessus.

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